Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales sur la conduite responsable des entreprises

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Le 8 juin 2023, le Conseil de l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) a apporté une importante révision aux Principes à l’intention des entreprises multinationales sur la conduite responsable des entreprises (Principes).[1] Adoptés en 1976, les Principes ont fait l’objet des révisions régulières depuis, la dernière fois en 2011, afin de les garder en ligne avec les changes et le défis sociétaires, économiques et technologiques. Le processus de révision fut entamé en novembre 2020 par le Groupe de travail de l’OCDE sur la conduite responsable des entreprises, qui prépara un rapport préliminaire sur le principaux développents, achèvements et défis des Principes. Le report fut finalisé en 2022 suite à une consultation publique parmi le stakeholders.[2]

Les Principes sont essentiellement des recommandations que les 51 gouvernements adhérents ont adressé aux entreprises multinationales en vue d’améliorer leur contribution au développement durable et de remédier aux répercussions négatives associées à leurs activités sur les individus, la planète et la société. Ils font partie intégrante de la Déclaration de l’OCDE et les Décisions sur l’investissement international et les entreprises multinationales.[3]

La récente révision, qui bénéficie d’une décennie d’expérience depuis la dernière, est particulièrement important pour plusieurs raisons, inclue les répercussions de la pandémie COVID 19, l’aggravation du changement climatique et les avancements technologiques (y compris ceux liés à l’intelligence artificielle). Les principales innovations introduites par la révision de 2023 portent notamment sur

  • l’alignement des activités des entreprises sur les objectifs convenus à l’échelle internationale dans le domaine du changement climatique et de la biodiversité;
  • l’inclusion d’attentes en matière de devoir de diligence concernant le développement, le financement, la vente, la concession, l’échange et l’utilisation des technologies, y compris la collecte et l’exploitation de données;
  • les modalités de l’exercice du devoir de diligence incombant sur les entreprises au regard de leurs impacts et de leurs relations d’affaires liés à l’utilisation de leurs produits et services;
  • la protection des personnes et des groupes à risque, y compris de ceux qui signalent des préoccupations concernant la conduite des entreprises;
  • la communication d’informations sur la conduite responsable des entreprises;
  • la généralisation des recommandations en matière de devoir de diligence à toutes les formes de corruption;
  • la conformité des activités de lobbying aux Principes;
  • la visibilité, l’efficacité et l’équivalence fonctionnelle des Points de contact nationaux (PCN) pour la conduite responsable des entreprises.[4]

La révision est toutefois très prudente en ce qui concerne les questions de propriété intellectuelle liées à la sante publique et par ailleurs, contrairement au Stocktaking Report, ne fait aucune référence à la Déclaration de Doha sur l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Accord sur les ADPIC) et la santé publique.[5] Egalement, elle néglige en large mesure la protection des peuples indigènes et tribaux et ne mentionne pas la Convention en matière de l’Organisation international du travail (OIL).[6]

Les principes sont caractérisés par un contexte transnational superposé avec force à la traditionnelle coopération entre gouvernements, qui pourtant continue à jouer un rôle important, comme dans le cas des efforts pour harmoniser législations contradictoires. En effet, les Principes concernent d’abord et avant tout le dialogue et la collaboration entre entreprise multinationales et gouvernements, avec la participation des autres stakeholders. La dimension transnationale des Principes est ainsi évidente dans les procédures de mis en œuvre ouvertes aux entreprises, syndicats et Organisations non-gouvernementales, ainsi que le public en général.

La structure des Principes reflet ce double objective. La première partie est divisée en 11 sections concernant les concepts et principes généraux ainsi qu’un corps plutôt compréhensif des principes substantiels allant de la protection des droits humains et de l’environnement à la lutte contre la corruption, l’intérêts des consommateurs, la technologie et la fiscalité. La deuxième partie est entièrement consacrée aux procédures de mise en œuvre des principes, avec des mécanismes de réclamation au niveau opérationnel ainsi que des Points de Contact Nationaux (PCN) chargés de promouvoir la connaissance et l’utilisation des Principes et surtout de contribuer à la résolution des problèmes concernent leur respect.

Selon une optique fortement unitaire du droit international, les Principes sont fermement intégrés dans le réseau des instruments juridiques pertinents, tant contraignants que non contraignants, adoptés notamment au sein des l’OEDE, des Nations Unies (NU) et de l’OIL. En particulier, ils font fréquemment référence à des traités internationaux tels que la Convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales,[7] la Convention des NU contre la corruption,[8] le Pactes internationaux des NU relatifs respectivement aux droits civils et politiques[9] et aux droits économiques, sociaux et culturels,[10] les conventions OIL 29 de 1930 sur le travail forcé [11] et 105 de 1957 sur .[12] Les Principes sont aussi solidement liés à nombreuses instruments non-contraignants à commencer par les  Principes de gouvernance d’entreprise du G20 et de l’OCDE,[13]  et les recommandations adoptées au fils des années par le OCDE,[14] ainsi que la Déclaration de principes tripartite de l’OIT sur les entreprises multinationales et la politique sociale,[15] ou encore la Déclaration des Nations Unies sur les droits des Peuples Autochtones.[16]

Etant donné le caractère volontaire des Principes, une définition d’entreprise multinationales n’est pas indispensable.[17] Néanmoins, la dimension internationale de la structure d’une entreprise ou de ses opérations, ainsi que sa forme commerciale, son objet ou ses activités, sont les facteurs principaux à prendre en considération. Les Principes s’adressent à toutes les entités qui composent l’entreprise multinationale (sociétés mères et/ou entités locales) mais, en dépit de leur dénomination, ne visent pas à instaurer des différences de traitement entre les entreprises multinationales et nationales.

Les Principes se basent à la fois sur l’intégration de la conduite responsable des entreprises selon le principe de due diligence et sur l’évaluation du risque. Les entreprises sont pourtant requises d’identifier et évaluer les impacts négatifs réels et potentiels des activités, produits ou services des entreprises; de cesser, prévenir et atténuer les impacts négatifs; et de remédier aux effets négatifs ou participer aux efforts pour y remédier.

En ce qui concerne la mise en œuvre, le Comité de l’investissement de l’OCDE supervise les Principes et organise un échange d’opinions régulier. Le Groupe de travail sur la conduite responsable des entreprises contribue également à assurer le bon fonctionnement de PCN. En 2020, par exemple, il exprima profonde préoccupation par rapport aux allégations de pressions indues visant à réduire au silence les personnes qui présentaient des recours devant certain PCN.[18]

Un rôle fondamental est joué par les PCN, établies dans chaque pays adhérant. Ils assurent un mécanisme de réclamation non judiciaire visant “à faciliter le dialogue entre les parties et à les soutenir dans la recherche de solutions mutuellement acceptables et compatibles avec les Principes directeurs aux problèmes soulevés, mais aussi d’éclairer activement ce dialogue grâce à leur expertise des Principes directeurs.”[19]

Chaque Pays adhérant jouit d’une certaine flexibilité par rapport aux fonctionnement des PCN mais doivent assurer qu’ils opèrent avec un niveau d’efficacité équivalent (dite “équivalence fonctionnelle” et définie sur la base des critères de visibilité, accessibilité, transparence, responsabilité, impartialité et équité, prévisibilité, et conformité aux Principes.[20]


1] Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales sur la conduite responsable des entreprises, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/0e8d35b5-fr. A preliminary bibliography would include: S.R. Ratner, ‘Corporations and Human Rights: A Theory of Legal Responsibility’, 111 Yale Law Journal (2001) 443; I. Bantekas, ‘Corporate Social Responsibility in International Law’, 22 Boston University International Law Journal (2004) 309; P. Muchlinski, ‘Multinational Enterprises as Actors in International Law. Creating ‘Soft Law’ Obligations and ‘Hard Law’ Rights’, in (ed.), Non-State Actor Dynamics in International Law (Routledge, 2010) 9; G. Ruggie, ‘Regulating Multinationals: The UN Guiding Principles, Civil Society, and International Legalization’, Regulatory Policy Program Working Paper RPP-2015-04 (2015); B. Choudhury, ‘Balancing Soft and Hard Law for Business and Human Rights’, 67 International & Comparative Law Quarterly 961 (2018); Markus Krajewski, ‘Mandatory Human Rights Due Diligence Law: Blurring the Lines between State Duty to Protect and Corporate Duty to Protect’ (2023) Nordic Journal of Human Rights (online); Y. Farah, A. Kent, V. Kunuji, ‘Civil Liability under Sustainability Due Diligence Legislation: A Quiet Revolution?’, 34 King’s Law Journal (2023, forthcoming).

[2] Stocktaking Report on the OECD Guidelines for Multinational Enterprises (en anglais), https://mneguidelines.oecd.org/stocktaking-exercise-on-the-oecd-guidelines-for-multinational-enterprises.htm.

[3] Adoptée le 21 juin 1976 et amendée la dernière fois le 8 juin 2023, https://legalinstruments.oecd.org/fr/instruments/OECD-LEGAL-0144.

[4] Principes directeurs, note 1, Avant-propos, p. 3.

[5] Déclaration sur l’accord sur les ADPIC et la santé publique, adoptée par la Conférence Ministérielle de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) le 14 novembre 2001, WT/MIN(01)/DEC/2, https://www.wto.org/french/thewto_f/minist_f/min01_f/mindecl_trips_f.htm.

[6] Convention (n° 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989.

[7] Adopté le 21 novembre 1997, en force depuis le 15 février 1999, https://www.oecd.org/fr/daf/anti-corruption/ConvCombatBribery_FR.pdf.

[8] Conclue le 31 octobre 2003, en force depuis le 14 décembre 2005, 2349 UNTS 41, https://treaties.un.org/pages/ViewDetails.aspx?src=IND&mtdsg_no=XVIII-14&chapter=18&clang=_fr

[9] Adopté le 19 décembre 1966, en force depuis le 23 mars 1976, 999 UNTS 186, https://treaties.un.org/doc/publication/unts/volume%20999/volume-999-i-14668-french.pdf.

[10] Adopté le 19 décembre 1966, en force depuis le 3 janvier 1976, 993 UNTS 3,

[11] Adoptée le 28 Jun 1930, en force depuis le 1 May 1932, avec Protocol adopté le 11 Jun 2014, en force depuis le 9 novembre 2016.

[12] Adoptée le 25 juin 1957, en force depuis 17 janvier 1959.

[13] Principes de gouvernance d’entreprise du G20 et de l’OCDE, 2017, OECD/LEGAL/0413, http://dx.doi.org/10.1787/9789264269514-fr.

[14] Voir, par exemple, la Recommandation visant à renforcer la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales [OECD/LEGAL/0378], la Recommandation sur la corruption et les crédits à l’exportation bénéficiant d’un soutien public [OECD/LEGAL/0447], la Recommandation à l’intention des acteurs de la coopération pour le développement sur la gestion du risque de corruption [OECD/LEGAL/0431], la Recommandation sur l’intégrité publique [OECD/LEGAL/0435], la Recommandation sur les Principes pour la transparence et l’intégrité des activités de lobbying [OECD/LEGAL/0379], la Recommandation sur les lignes directrices pour la gestion des conflits d’intérêts dans le service public [OECD/LEGAL/0316], la Recommandation sur le règlement des litiges de consommation et leur réparation [OECD/LEGAL/0356], la Recommandation sur l’intelligence artificielle [OECD/LEGAL/0449] et la Recommandation sur l’innovation responsable dans le domaine des neurotechnologies [OECD/LEGAL/0457].

[15] Adoptée en novembre 1977 et amendée la dernière fois en novembre 2022, https://www.ilo.org/empent/Publications/WCMS_124923/lang–fr/index.htm.

[16] Adoptée le 13 septembre 2007, https://www.un.org/development/desa/indigenouspeoples/wp-content/uploads/sites/19/2018/11/UNDRIP_F_web.pdf.

[17] Pour une définition récente, voir la Proposition de Directive du Parlement Européen et du Conseil sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité et modifiant la directive (UE) 2019/1937, 23 février 2022, Article 2, https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52022PC0071.

[18] Statement of the Working Party on Responsible Business Conduct, 13 March 2020, https://mneguidelines.oecd.org/ncps/working-party-on-rbc-statement-march-2020.htm.

[19] Principes directeurs, note 1, p. 79. L’OCDE maintien une banque de données des décisions des NCN au site https://mneguidelines.oecd.org/database. Pour les banques de données des quelques Pays adhérents, voir:

France, https://www.tresor.economie.gouv.fr/tresor-international/pcn-france/decisions-du-pcn-francais-dans-les-circonstance; Royaume Uni, https://www.gov.uk/government/collections/uk-national-contact-point-statements; et Etats Unis, https://www.state.gov/u-s-national-contact-point-for-the-oecd-guidelines-for-multinational-enterprises/specific-instance-final-statements.

[20] Pour un exemple, voir la procédure établie per le PCN Suisse, OECD Guidelines for Multinational Enterprises: Treatment of specific instances: role and mandate of the ad hoc working groups, https://www.seco.admin.ch/seco/fr/home/Aussenwirtschaftspolitik_Wirtschaftliche_Zusammenarbeit/Wirtschaftsbeziehungen/nachhaltigkeit_unternehmen/nkp/organisation-und-kontaktaufnahme.html.

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