La due diligence obligatoire des entreprises en matière de respect de droit de l’homme et de l’environnement dans les chaînes d’approvisionnement mondiales : Réflexions à la croisée du droit international public et privé

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Introduction 

  1. La due diligence en droit international : un concept aussi diffus que de difficile interprétation
    • La notion de due diligence à travers les différents domaines juridiques
    • La définition de Human Rights Due Diligence 
  1. Les développements normatifs : un tableau très varié
    • La loi de vigilance française et la Sorgfaltspflichtengesetz allemande 
    • La proposition de directive de l’Union européenne sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité 
  1. Les complexités du contentieux
    • La compétence juridictionnelle, autres questions relatives à la procédure et au droit applicable
    • Récents développements jurisprudentiels 
  1. Conclusion 

Introduction

 La transition durable, juste et verte s’appuie fortement sur les entreprises transnationales et sur leurs activités qui génèrent richesse et pouvoir d’achat à travers différentes couches sociales. Au même moment, les entreprises risquent d’être impactées négativement par rapport à des droits ou des intérêts collectifs ou diffus. Il suffit de mentionner la sécurité des travailleurs et le traitement des enfants exploités à la base de certaines chaînes de production mondiales. De plus, leurs activités peuvent causer des dommages à la santé de populations (voir le déversement d’hydrocarbures dans des écosystèmes environnementaux très fragiles, comme le delta du Niger), et ont des effets négatifs sur le changement climatique.

La mondialisation de l’économie et de ses processus productifs porte de plus en plus les entreprises à opérer dans un contexte caractérisé par la stricte coopération transnationale entre opérateurs dans la chaîne d’approvisionnement[1]. Si, d’un point de vue économique, ce système productif peut être considéré comme unitaire, à l’inverse son encadrement juridique reste fragmenté selon les juridictions de chacun des États, et aussi selon les rapports sociétaires (rapports entre sociétés mères et leurs filiales) et contractuels (accords de distribution, franchising, contrats de production, de licence et autres). Ainsi, ce qui compte, c’est l’État dans lequel l’entreprise a son quartier général, ou bien le lieu où se situe son centre décisionnel. De plus, il y a l’État où les entreprises basent concrètement leur production, à commencer par l’extraction de matière premières, pour continuer avec les transformations successives jusqu’à arriver au produit final. Par conséquent, l’État qui réglemente la société mère, y compris dans ses aspects de production et de commercialisation, est souvent différent de l’État qui réglemente les fournisseurs et les autres aspects liés à la base de la chaîne de production. En principe, tous les États qui ont un lien avec le système de production pourraient établir leurs juridictions de compétence en cas de litige, ou appliquer leur droit matériel aux faits en cause[2].

Dans ce contexte, le droit international public et privé, le droit de l’Union européenne et certaines initiatives nationales visent à créer un système de réglementation des chaînes de production mondiales qui puisse combler les vides et qui dépasse la fragmentation juridique existantes afin de créer un cadre juridique plus soutenable pour les entreprises qui opèrent au niveau transnational. La protection de droits de l’homme en relation avec les activités des entreprises est depuis longtemps sur l’agenda de différentes tables de négociations au sein des Nations unies et, aujourd’hui, les efforts des négociateurs en ce domaine sont concentrés depuis 2014 sur l’adoption du Revised Draft Legally Binding Instrument to Regulate, in International Human Rights Law, the Activities of Transnational Corporations and others Business Enterprises. Third draft LBI (2021)[1]. Les questions liées à la responsabilité des entreprises multinationales ont fait l’objet de plusieurs instruments volontaires au niveau international et national[2], toutefois, en considération des limites rencontrées par cette approche volontariste, on assiste depuis peu à une tendance qui se tourne vers l’adoption de règles contraignantes au niveau tant international que national, qui envisagent une diligence requise comme obligatoire[3].

La présente étude vise, dans sa première partie, à clarifier la notion de due diligence et à montrer comment elle est interprétée dans le domaine du droit international du business et des droits de l’homme. Par la suite, la deuxième partie s’intéresse aux aspects juridiques les plus importants de ces instruments juridiques, en considérant leur champ d’application personnel et matériel, y compris les notions de due diligence et de « chaîne de valeur ». La troisième partie s’attache à voir l’interprétation donnée à ces concepts par les juges nationaux dans de récents litiges. Cette partie remarque aussi l’importance des normes de droit international privé en matière de devoir de diligence des entreprises et s’intéresse aux questions liées à la juridiction et au droit applicable. En effet, le fonctionnement des mécanismes de conflit de lois peut contribuer à assurer des solutions plus équitables aux différends, qui soient capables de rééquilibrer les positions des entreprises (parties défenderesses) et des victimes (les demandeurs) dans leurs activités, face aux obstacles de l’action en justice. La dernière partie retrace les point forts et faibles du cadre normatif actuel et propose des perspectives pour continuer la recherche dans un secteur qui montre un grand potentiel et dont on peut attendre de nombreux développements dans un futur proche.

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